3 juin 2010

Faut-il un pont entre Waterloo et Watermael ?

Joëlle Milquet a ressorti, dans la Libre Belgique de mercredi 2 juin, la revendication d’un lien territorial entre la Wallonie et Bruxelles.
Bien sûr, ECOLO ne pose pas d’exclusive et est OUVERT par rapport aux prochaines négociations institutionnelles.
Evidemment, cela concernerait 1 ou 2 des communes à facilités (Rhode Sainte Genèse et Linkebeek) dont le rattachement à Bruxelles est demandé.
Mais, au-delà de cela, que penser du symbole d’une liaison territoriale entre la Wallonie et Bruxelles ?
Relevons d’abord la bizarre expression d’un « territoire francophone homogène ». Alors que nous voulons le respect des minorités, ce n’est pas aux francophones à traiter comme quantité négligeable les 10 à 15 % de néerlandophones de Bruxelles, ni d’ailleurs les 2 à 3 % de germanophones de Wallonie. Actuellement, ni l’une ni l’autre des deux régions ne sont linguistiquement homogènes.
Doit-on voir dans cette revendication une expression de ce qu’on pourrait appeler le syndrome de Berlin Ouest ? Nous n’en sommes pas là que diable et personne n’imagine qu’il faudrait un passeport avec visa pour aller de Waterloo à Watermael, ou suivre un corridor surveillé !
Comme géographe attaché à la dimension territoriale des enjeux, je ne peux pas me convaincre de l’influence d’un tel lien physique au XX1e siècle.
J’attacherais personnellement beaucoup plus d’importance à un RER performant, lien réel entre les habitants de Wallonie et de Bruxelles que, malheureusement, un recours de la commune de Linkebeek vient de retarder de plusieurs années.
Finalement, ce lien territorial ne symbolise-t-il pas une future Belgique que la Flandre aurait quittée ? Une sorte de résignation à la défaite, à l’impossibilité de reconstruire un nouvel équilibre institutionnel pour notre pays ? Pourtant, « l’union fait la force », non ?!
Mais surtout, en quoi ce lien physique apporterait-il quoi que ce soit aux francophones vivant en Flandre, à leurs droits administratifs, politiques, judiciaires ?
Rien !! Et pourtant, pour nous, c’est bien là l’essentiel.
Dans un moment aussi difficile, il est vital de faire passer les revendications concrètes avant les symboles, voire les symboles de symboles…

2 commentaires:

Unknown a dit…

Merci pour cette réaction. Tu évoques le syndrome de Berlin-Ouest: parcourir, en train, le corridor qui reliait cette ville à l'Allemagne de l'Ouest a été une des expériences les plus humainement marquantes de ma modeste existence. "Plus jamais ça" comme on dit.

Les revendications actuelles me font penser à un fait antérieur, le couloir de Dantzig, et ce n'est guère mieux.

Unknown a dit…

Cher Monsieur Daras,

d'après moi cette continuité territoriale n'est pas à confondre avec l'homogénéité d'une nation. On peut souhaiter la première sans pour autant proner l'autre. Vous avez d'ailleurs tout à fait raison de craindre cette dernière : c'est le prétexte utilisé par Hittler pour agrandir l'Allemagne. A partir du moment où l'on accepte que la langue ou la religion ne soientt pas le fondement de la nation, un Belge francophone ne se sent pas Français et un germanophone d'Eupen peut se sentir Belge, tout autant qu'un musulman de Bruxelles.

Je ne pense pas détenir un scoop en disant ici que la Flandre suit une politique diamétralement opposée à cette conception de l'état. Marianne Thyssen déclarait il y a quelques semaines dans un débat à la VRT avec Jan Peumans et Ruddy Demotte que la Flandre comprend les Flamands de Bruxelles. A mots couverts, Jan Peumans ajoute qu'un habitant de Flandres qui ne parle pas le flamand n'est pas un Flamand. On ne peut que constater la différence de conception de la nation. Les Flamands la basent sur la langue et cela ne peut les conduire à terme qu'au rejet total de la Belgique et des non-néérlandophones alors que la majorité des Wallons et Bruxellois acceptent aujourd'hui que la nation Belge soit composée de personnes parlant différentes langues.

Linkebeek et Rhode c'est la Belgique dites-vous. La Flandre travaille sans relâche à l'établissement de sa continuité territoriale. J'espère que vous n'êtes pas naïf au point de penser que c'est sans arrière-pensée indépendantiste ? Où êtes vous toujours victime de ce que j'appellerais 'le syndrôme du colonisateur' par lequel les francophones se sentent coupables d'avoir méprisé les flamands et leur(s) langue(s) ? Je me permettrais de rappeler qu'en 1830, les francophones avaient réagi à la néérlandisation de la Belgique par les Hollandais et qu'il n'y avait alors pas de langue flamande mais des dialectes.

Il me semble donc important de ne pas négliger cette continuité territoriale et ce à la fois pour des raisons symboliques et pratiques.

Symboliques, car une partie d'état géographiquement isolée finit tôt ou tard par apparaître comme incongrue. Parce qu'on imagine mal un pays séparé de sa capitale.

Pratiques car comme vous le soulignez, la bonne gestion d'un état ne peut se faire sans continuité territoriale. Comparaison n'est certes pas raison mais combien de propriétaires ne voient-ils pas leur vie au quotidien compliquée par telle ou telle servitude ? Qui autorisera et financera des liaisons physiques entre la région Bruxelloise et la région Wallone si celles-ci passent en territoire étranger ?

Votre souci vis-à-vis des francophones de Flandres vous honore mais il vient à mon avis un peu tard. Il me semble même dangereux de compromettre le sort de ceux de Bruxelles et de sa périphérie pour ceux-là qui sont déjà perdus. On pourrait espérer qu'une Flandres indépendante soit obligée de ratifier le traité européen sur la protection des minorités...

Je ne l'ai certes pas souhaité mais la Flandre se définit depuis trop longtemps par opposition aux francophones, foule la Belgique, ses valeurs et sa constitution aux pieds, remanie sa géographie à sa guise, présente les francophones comme des idiots qu'elle traîne tel un boulet. Acceptez que j'en conçoive quelque lassitude.

En conclusion, les parents de la Belgique moderne ont accouché de trois régions. L'une d'entre elles veut voler de ses propres ailes, faisant fi de près de 200 ans de collaboration fructueuse qui ont fait de la Belgique un des pays les plus prospères au monde et reconnu bien au-delà de sa taille. Soit, si telle est sa volonté. Mais il est temps maintenant de s'assurer de la viabilité de ce 'nouvel' état Belge.