4 janv. 2008

Mon intervention du 24 décembre dernier, en séance plénière du Sénat, à propos de la déclaration du gouvernement

Comme beaucoup d’entre nous et comme, je le pense, bien des citoyens, j’éprouve des sentiments mitigés.

D’une part, en effet, nous avons enfin un gouvernement ; il en fallait un pour ce pays et nous l’attendions tous. Nous sommes donc satisfaits que l’État puisse à nouveau fonctionner normalement, pour notre image à l’étranger, pour restaurer la confiance en l’avenir, notamment auprès de nos concitoyens, mais également pour le travail du Parlement : pouvoir contrôler, interpeller, voir des textes aboutir, face à un gouvernement qui réagit, est sans doute un élément positif.

D’autre part, on nous dit qu’il s’agit d’un gouvernement intérimaire. Or, un tel gouvernement n’existe pas. En tout cas, il n’en est nulle part fait mention dans la Constitution. Pourquoi cette qualification d’intérimaire ? Parce que M. Verhofstadt nous a promis de se retirer après trois mois. Parce que le CD&V–N-VA met la pression pour obtenir, d’ici là, un accord sur la réforme de l’État. Pour le reste, c’est un gouvernement qui dispose d’une majorité au Parlement et qui va gouverner.

Le gouvernement intérimaire s’apparente à une formule magique. Je m’explique. M. Leterme a disposé de six mois, au terme desquels il n’a pu dégager de réponse en matière institutionnelle. Il a fait diverses tentatives, tel Stanley cherchant les sources du Nil... Ensuite, M. Verhofstadt a eu une idée de génie – nous l’en remercions – et a adressé la demande suivante au Roi : « Sire, donnez-lui encore nonante jours ! ». Et il a ajouté : « En attendant, on va quand même gouverner, mais juste ce qu’il faut »...

Cela n’existe pas, un gouvernement intérimaire ! Le monde ne va pas s’arrêter de tourner pendant trois mois, le temps que la Belgique puisse, peut-être, définir son avenir. D’où le malaise.

Heureusement, le Parlement, lui, n’est pas intérimaire. Bien sûr, le Sénat ne doit pas émettre de vote de confiance. Vous me permettrez de rappeler que même si notre débat de ce jour est purement symbolique, le gouvernement aura autant besoin d’une majorité, voire des deux tiers, au Sénat qu’à la Chambre. Je ne peux donc qu’inviter le gouvernement à témoigner, vis-à-vis des travaux du Sénat, du même respect qu’à l’égard des travaux de la Chambre.

Vous nous promettez un budget 2008. Ce rôle n’incombe pas à un gouvernement intérimaire. Non seulement ce budget vaudra pour toute l’année et pas pour trois mois seulement mais, de plus, par ses paramètres, il influencera les années suivantes.

Selon la déclaration de M. Verhofstadt, « il faut se réengager sur la voie du pacte de stabilité ». J’ai la faiblesse de croire que chaque mot de la déclaration a été soigneusement pesé, vu les difficultés ayant accompagné la mise sur pied du gouvernement intérimaire. Se réengager signifie que l’on s’était éloigné de ce pacte de stabilité.

Pour résorber le déficit prévu en 2008 par le comité de monitoring, il faudra trouver 2,5 milliards. On peut espérer que le montant soit moins élevé, mais appliquons le principe de précaution et supposons qu’il faille trouver 2, 5 milliards d’euros.

Un mot du dossier énergie et climat qui ne se satisfait évidemment pas d’un gouvernement intérimaire alors que des engagements doivent être pris pour 2020, pour 2050… Hiver après hiver, les plus démunis doivent se satisfaire de petites mesures reprises chaque année, comme s’il s’agissait de répandre du sel sur les routes. Ils attendent toujours les mesures structurelles que nous appelons depuis des années : rendre du pouvoir au régulateur pour maîtriser les tarifs – j’ai déposé il y a quelques jours un amendement qui n’a été soutenu par personne – regrouper les fonds pour apporter une aide à ceux qui en ont le plus besoin dans leurs investissements et, surtout, assurer la coordination avec les régions puisque les compétences en ce domaine sont partagées. De tout cela, pas un mot.

Les engagements en matière de climat sont d’une mollesse totale. Ils s’inscrivent plus ou moins dans le cadre européen, sans aucune volonté affirmée. S’engager pour quinze ans ou davantage, c’est plus difficile, j’en conviens, pour un gouvernement intérimaire que pour un gouvernement normal. Mais il n’y a pas de gouvernement intérimaire !

Je relève au passage la pratique nouvelle de l’oxymoron puisqu’on nous parle de politique ambitieuse et réaliste, deux termes qui me semblent en l’occurrence parfaitement contradictoires.

Je partage les inquiétudes de Mme Defraigne sur l’avenir de la sidérurgie à Liège. Cela fait un bon moment déjà que personne ne trouve de réponse et que l’on se renvoie la patate chaude de l’un à l’autre. Peut-être que quelqu’un se saisira-t-il enfin sérieusement de ce dossier ?

Mes collègues, aussi bien Écolo que Groen, aborderont d’autres points importants mais je m’en voudrais de ne pas souligner que l’on n’a même pas pu dire pour trois mois – pour beaucoup plus longtemps, à mon estime – que l’on n’expulsera plus de sans-papiers et que l’on ne mettra plus d’enfants en prison ! Je suis scandalisé de voir que les termes « détention d’enfants », « détention de familles avec enfants » figurent toujours dans le texte. Pourtant, si je me souviens bien, certains de nos débats préélectoraux, chers collègues, comportaient l’engagement « plus jamais d’enfants emprisonnés » ! Mme Piryns reviendra sur le sujet.

En conclusion, je ne crierai pas Vive Verhofstadt III, d’autant qu’il ne constitue qu’un sas pour Leterme 1er qui est aujourd’hui une grande énigme. Nous ignorons la composition de ce gouvernement à venir même si a priori les partis qui sont actuellement en place y resteront. Mais surtout, nous ignorons à quel accord institutionnel il sera possible d’arriver.

Nous participerons au groupe des douze. Depuis toujours, depuis que nous sommes présents au parlement, les Verts du Nord et du Sud du pays travaillent ensemble, y compris sur les problèmes institutionnels, même si pour nous également il n’est pas toujours facile d’aboutir à un accord. Nous pensons que cette expérience est importante et nous participerons donc avec bonne volonté à ce groupe octopus et puis, nous verrons.

Aujourd’hui notre présence dans l’opposition est extrêmement utile. Nous sommes la seule opposition démocratique francophone sérieuse. Il est nécessaire que subsiste une opposition. Quand on fait l’union nationale, on la fait pour tout le pays et non dans une communauté et pas dans l’autre, cela n’a pas de sens. Nous resterons donc dans une opposition que nous voulons utile, suivant la formule employée à la Chambre, utile surtout pour nos concitoyens qui ont bien besoin de savoir aujourd’hui qu’ils sont entendus, que leurs préoccupations sont prises en compte. Notre travail, tout notre travail sera essentiellement axé sur l’amélioration de la situation de nos concitoyens. Nous regarderons vers l’avenir, l’avenir de la Belgique et l’avenir des grands défis environnementaux.

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