C’est le branlebas au parlement fédéral sur la future présidence belge de l’Union Européenne. En dehors du fait qu’elle est considérée comme un préservatif contre les maladies communautaires, cette présidence oriente une bonne partie des travaux. C’est d’abord le développement des mécanismes dits de « subsidiarité » et de « proportionnalité » (qui permettent à un état membre d’examiner préventivement des textes de réglementation européenne), c’est aussi le défilé des ministres en commissions pour détailler leur feuille de route européenne.
Si on ne peut que se réjouir du fait que la Belgique prenne son rôle au sérieux, il ne faut cependant pas se faire d’illusions : en 6 mois, la Belgique ne va pas changer l’Europe, ses grandes orientations, ses équilibres politiques.
Pour rappel, la Commission européenne (Barroso II) est essentiellement orientée à droite. Sur les 27 commissaires, 21 sont PPE ou libéraux, 6 socialistes et aucun n’est vert. De même, le Parlement européen est encore plus à droite que le précédent malgré le progrès des écologistes (7,5%), les sociaux démocrates ne représentent plus que 25% et les communistes 5%.
Même si le traité de Lisbonne était le meilleur compromis possible dans ce contexte et devait être adapté, il reste terriblement éloigné de l’Europe idéale, sociale et verte. Peu de chances donc d’abattre le dogme marmoréen de l’ultra-libéralisme.
Si nous devons saluer l’accession à la Présidence d’Herman Van Rompuy, et reconnaître ses qualités d’homme d’état, n’oublions quand même pas qu’il est fondamentalement conservateur. De plus, il aura la lourde tâche de trouver un équilibre entre les trois présidences (Union, Conseil et Commission) et, surtout, devra déployer des talents exceptionnels de diplomate…
Gardons néanmoins l’espoir ténu de voir l’Europe s’affirmer dans les nouveaux équilibres mondiaux entre USA, Japon et pays émergeants (le BRIC : Brésil, Russie, Inde et Chine). A cet égard, la façon dont l’Europe a été éjectée des discussions finales à Copenhague est une réelle humiliation.
Paul Magnette a eu l’audace (reconnaissons-le) de s’attaquer dernièrement dans la presse au dogme libéral en affirmant que la libéralisation de l’énergie était un échec. Sur ce point, nous pouvons être d’accord. Même si la libéralisation a ouvert la voie à l’avancée des énergies renouvelables en Wallonie, l’absence de régulation au niveau européen a permis l’émergence de groupes énormes, en mesure d’imposer leur loi aux états tout en maintenant des prix trop élevés et en investissant bien trop peu. Magnette a été immédiatement taclé en commission par le VLD et le MR défendant l’idée contraire que les ratés sont dus à un trop peu de libéralisation (et je me suis en l’occurrence retrouvé à devoir soutenir Magnette !!).
Un autre exemple qui nous tient particulièrement à cœur est celui de B-Cargo (filiale transport de marchandises de la SNCB). Alors que nous souhaitons transférer de plus en plus de marchandises vers le rail, B-Cargo se trouve en grande difficulté et a terminé l’année 2008 avec 85 millions de perte structurelle et, depuis, la crise a fait baisser dramatiquement le volume de l’activité. La libéralisation du rail expose maintenant B-Cargo à la concurrence de sociétés géantes et interdira à l’avenir toute aide d’Etat à son égard. Pire, dès juillet 2010, la législation européenne permettra de mettre une société publique en faillite au même titre qu’une entreprise privée.
B-Cargo a donc dû subir une restructuration fondamentale pour pallier au risque d’entraîner toute la SNCB - outil écologique indispensable et 38.000 travailleurs… - en faillite.
Quand le MR se déclare humaniste, il devrait admettre que cela implique de remettre le dogme ultra-libéral en question. (On peut rêver…)
Finalement, face à ces tendances lourdes de rouleau compresseur européen, notre meilleure alliée n’est-elle pas la réalité ? La crise financière qui a secoué le monde montre de façon irréfutable la nécessité de réguler davantage tout le secteur financier. Au-delà des rapports et des déclarations d’intentions, on doit exiger de la présidence belge qu’elle pèse maintenant de tout son poids pour modifier fondamentalement le fonctionnement de ce secteur, le niveau européen étant adéquat pour un bon nombre de réformes.
Face à la crise climatique (on donne malheureusement trop de place dans les médias à ceux qui la nient), l’Europe a pris des engagements bien insuffisants (les 3X20%) mais qui exigeront néanmoins une vraie régulation européenne de la production et de la distribution ainsi qu’une vraie protection du consommateur. Là également, la présidence belge peut faire preuve de volontarisme.
Si dans ces deux domaines, la présidence belge peut faire avancer les choses, elle aura été utile. On peut difficilement exiger plus, mais on peut, au moins, exiger cela.
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